jeudi 4 juin 2009

Une parenthèse...

"Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais, sur l'océan des âges,
Jeter l'ancre un seul jour ?"...
Lamartine (1790-1869) Le Lac

L'âge comme éternel refrain au temps...

Une rencontre...
J'étais assise à mon bureau dans la roulotte depuis plus d'une heure, je profitais d'un peu de répit pour rédiger le récit de voyage... autour de moi, tout autour de moi, le calme régnait. Une brise légère soulevait les rideaux et soufflait sur mon visage... en levant la tête, j'aperçus un homme, le dos légèrement courbé par l'âge, un mégot pendait à ses lèvres...
Depuis quand était-il là ?
Son calme regard était posé sur Quidam...
Le temps s'accompagnait d'un silence... d'un long et beau silence que j'ai rompu en saisissant cet instant avec mon appareil photo... L'homme tourna son regard vers moi, prononça quelques mots incompréhensibles, et il s'en alla...

Je posai l'appareil, courbai l'échine sur ma feuille, concentrée sur la rédaction du récit de voyage...
Une heure s'écoula...
Les aiguilles avaient tourné, le soleil faiblissait... Je tournai la tête vers la porte lorsque j'aperçus de nouveau l'homme. Debout, mégot accrochait à ses lèvres, le visage creusé plein de ce rêve infini... Il fixait son regard sur les courbes de Quidam...
Attendue à l'abbaye de Dol, je fermai la roulotte... et je laissai l'homme accoudé aux aiguilles immobiles de son temps...

Le lendemain matin...
A mon réveil, j'ouvrais la porte de la roulotte...

Je découvrais l'homme, dans la même position, avec sur la tête sa casquette rouge, les mains dans les poches. Je m'approchai de lui. Notre conversation se résumera à des sourires... un bonjour, une main tendue... et un regard qui en dit long.

Les aiguilles s'affolaient pour moi, et je retournai dans la roulotte laissant l'homme à ses pensées, appréciant sa présence... Le dos plein de blessures qu'un cheval panse...
Une heure plus tard, l'homme était rejoint par un autre homme, grand, le visage souriant, l'oeil vif. Des tremblements laissèrent penser qu'il était atteint de la maladie de parkinson.
Profitant de l'instant, je pris Quidam au licol et l'emmenai brouter une herbe plus haute et plus verte...
Les deux compères me suivirent, d'un pas léger, presque muet... Ils se baissèrent pour couper l'herbe et l'offrir à Quidam, comme on offre un bouquet de fleurs à sa promise... Nous n'échangerons que peu de mots tellement leur silence se respectait, s'écoutait... et nous avons marché tous les trois... de ce pas fragile...
Ils seront là jusqu'à notre départ, et puis encore après à la médiathèque, dans une conversation que les animaux comprennent... dans le silence de l'homme que les uns disent fou mais qui a tout à nous apprendre...